Pénibilité des tâches et des accidents du travail graves entraînant parfois des décès. Voici le sort des travailleuses agricoles. Les femmes sont plus nombreuses à travailler la terre que les hommes, et donc plus exposées à tous les aléas de ce métier. Selon le référentiel de développement agricole en Tunisie, publié par le ministère de l’Agriculture, les femmes rurales représentent 35% de la gent féminine tunisienne et près de 58% de la main-d’œuvre rurale.
Elles sont appelées à travailler dans des conditions climatiques extrêmes, par temps trop froid ou trop chaud, dans des positions physiquement éprouvantes; penchées, pliées, accroupies. Et sont, en outre, mal rémunérées, ne bénéficiant, pour la plupart, d’aucune couverture sociale. Plus grave, elles sont les éternelles victimes des accidents de la route récurrents et souvent mortels. Etre travailleuse agricole est devenue désormais un métier à risque.
Dimanche dernier, un autre accident a fait 39 blessées dans la région de Bizerte. Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux a exprimé pour la énième fois son indignation. Statistiques à l’appui, l’organisation déplore les 69 accidents similaires survenus depuis 2015 et leur lourd bilan : 55 décès et 835 blessés. Des chiffres en nette croissance, déplore encore le Ftdes, mais également plusieurs associations qui se sont regroupées pour donner de la visibilité et de la voix à celles qui n’en ont pas.
La situation des ouvrières agricoles est, en outre, à placer dans un contexte plus large de la précarité de l’emploi qui frappe surtout les femmes et les jeunes. A la précarité s’associent, automatiquement, dérives et violations des droits. Ainsi, pour quelle raison les travailleuses sont-elles transportées sur les plateformes de camions, parfois arrosées d’eau pour que les passagères restent debout, sans avoir de rampes où s’accrocher pour ne pas tomber ? Deuxième question; les employeurs et les propriétaires fonciers ne peuvent-ils pas acquérir des minibus pour transporter dignement et dans la sécurité leurs ouvrières ? De ce fait, il faudra interdire ici et maintenant le transport des femmes dans des pickups destinés uniquement à porter le bétail et la marchandise.
Ce sont les autorités qui doivent intervenir pour sanctionner et légiférer. A chaque accident, l’employeur doit être lourdement sanctionné et obligé par la loi de dédommager les victimes. Ensuite, il faudra légiférer pour définir les véhicules spécifiques et autres conditions de travail et de transfert des ouvrières sur leur lieu de travail, et les appliquer. Le bras long de la justice doit pouvoir atteindre, une bonne fois pour toutes, ces employeurs hors la loi et protéger ces victimes en souffrance qui travaillent dans des conditions très dures. Sachant que contraintes et forcées, les femmes rurales travaillent au péril de leur vie pour subvenir aux besoins de leurs familles. N’ayant pas le choix et incapables de se défendre elles-mêmes, c’est à l’Etat de le faire.